Energie
Le français n’est pas ma langue natale, je suis loin de le maîtriser et pourtant j’adore le parler, le lire, l’entendre. Il m’arrive même de rêver en français. Dès que j’ai pris connaissance du thème « Jour [est] Nuit » énoncé pour l’exposition 2020 de « La Passerelle à la Gacilly (56), j’ai eu une envie de littérature. D’utiliser les mots. De retrouver la poésie d’une calligraphie, mais sans faire appel à l’encre ni au pinceau. Juste le papier, qui créé les formes, le mouvement, qui s’envole. Car il y a quelque chose de profondément taoïste dans ce thème, qui dépasse l’opposition entre le blanc et le noir, le bien et le mal, le laid et le beau. La dualité est comme une danse, un élan entre deux, un échange. Une respiration où rien n’est figé, ou tout est impermanence. Une énergie.
L’installation est composée de 5 ilots d’environ 60cm par 60cm, de phrases découpées dans du papier blanc ou noir et disposées en spirale sur un support noir ou blanc opposé. L’ensemble constitue un texte qui explore cette relation, cette interdépendance entre les contraires. Voici ce texte:
Tu es…
La femme qui engendre l’homme, la force animale d’une humanité, une succession d’instants dans l’éternité, l’épine haineuse et la fleur d’amour, l’espoir d’un printemps au cœur de l’hiver.Tu es…
La droiture d’une courbe, le son d’harmonie qui jaillit du chaos, le courant perpétuel entre le haut et le bas, la joie qui cause le désarroi, la lumière qui porte son ombre.Tu es…
Toi, et les autres, la caresse de la pluie chauffée au soleil, l’action, enfin, au bout de ta paresse, l’égale estime entre victoire et défaite, la douleur qui te répare.Tu es…
Peur, car tu es courage, le germe d’un arbre dans le béton, fragile et résistante, qui palpite sous la terre de sa nature aérienne, qui expire et qui inspire.Tu es le mouvement immobile.
Monsieur
Je poursuis depuis plusieurs années une étude de l’océan, cherchant à redonner une nouvelle vie aux matériaux échoués sur les plages, à imaginer les empreintes d’un oiseau en vol, à voir la mer comme une déesse dont la robe danserait sur tous les rivages du monde.
Ce nouveau projet marque une étape. Il est né d’un sentiment de révolte. Parmi tous les matériaux que vomissent la mer et les hommes et que j’ai pu récolter lors de mes pérégrinations sur les côtes du Cap Sizun, les bouts, filets et cordages sont les plus nombreux.
Ils sont un symbole. La marque douloureuse de notre aliénation du monde. En utilisant ces cordages, j’ai eu un désir de liberté. De couper les attaches qui entravent et corrompent. Comme si la rumeur des vagues me soufflait de larguer les amarres.
Les pièces, tableaux et installations de ce projet s’inscrivent dans un espace, un univers où j’explore les sentiments, les émotions fortes, profondes, parfois terribles que provoque cette libération. Avec l’espoir que de tous ces fils, chaînes et contraintes naisse un rêve, un soutien, une lumière vers un monde nouveau.
Jeux de Vagues
Jour après jour je parcours la côte du Cap-Sizun, et une même émotion demeure en regardant l’océan. Une impression d’infini. Je regarde la courbe vertigineuse de la Baie d’Audierne qui s’ouvre sur l’immensité de l’horizon et imagine la mer comme une déesse, dont la robe viendrait caresser les rivages de tous les continents.
Au gré des temps et des saisons, la Déesse Mer s’amuse avec les mouvements de sa jupe, tournant, s’envolant, composant autant de variations que le jeu des vagues. Parfois immobile, douce, lisse comme la soie, et puis houleuse, cotonneuse, blanche et bleue, blanche et grise, lancée dans une danse bouillante et passionnée.
Ce travail est l’interprétation de cette danse. J’ai choisi le tulle pour sa légèreté, sa transparence, sa capacité à saisir la moindre oscillation. Dans la première œuvre, une installation en forme de jupe, j’ai sculpté sur des tulles blancs et bleus les effets du vent et de l’écume, reliés à la taille par un ruban blanc. Dans la deuxième œuvre, en forme de bracelets, plusieurs couches de tulle sont reliées à un cercle d’argent. Bleus et blancs pour le premier bracelet, des nuances de gris pour le second, des lames de blanc pour le troisième. Ondulantes et délicates, elles sont autant de petites vagues qui vont et viennent sur la main.
Ce travail est présenté à l’automne 2018 lors de l’exposition « Jeux [suis] Nature« au centre culturel La Passerelle de La Gacilly (56).
Empreinte d’un oiseau en vol
Au Cap-Sizun, je vois les pas des hommes, des chiens, des oiseaux marins sur le sable mouillé. Par ces dessins, j’aime à imaginer à quoi ils ressemblent, ce qu’ils faisaient à cet instant.
Avec l’empreinte, le temps s’arrête. Tandis que l’on évolue, vieillit, pour un jour disparaître, notre empreinte demeure, piégée dans une espèce d’éternité. C’est une impression. Et quand volent les mouettes, corbeaux ou cormorans autour de moi, que l’océan efface les marques de leurs pattes, le vent me souffle que l’oiseau, sa liberté n’existent que dans le vol.
Quelle serait l’empreinte d’un oiseau en vol ? Voilà la question à laquelle j’ai voulu répondre. Ne pas capturer mais libérer cette légèreté de l’oiseau glissant dans l’air, cet appel au voyage. Associer les matières, métalliques, artificielles, organiques, utiliser les lignes d’argent, les fils translucides pour réinventer autant de reflets de lumières des trainées de la plume.
Ce travail est présenté à l’automne 2017 lors de l’exposition « Empreinte« au centre culturel La Passerelle de La Gacilly (56).
Nevezadur
Depuis que je vis à Audierne, je m’inspire de la beauté du paysage breton, de la mer et des plages où je me promène. Les côtes du Cap Sizun sont grandioses, elles sont force et calme tout à la fois, ouverture, souffle, respiration. Elles m’offrent chaque jour des cadeaux.
Ce sont des bouts de cordages, des morceaux de plastique, des mousses polyuréthane, du polystyrène échoués sur la plage. Ils sont les matériaux principaux des pièces uniques que je façonne, des pièces rehaussées d’attaches en argent, de cristaux de roche et de calcites qui leur donnent de l’éclat.
Ce qui m’intéresse dans ce projet appelé « Nevezadur » (« renouveau » en breton), c’est le temps des matériaux, le temps de leur transformation, d’imaginer leur vie, leur histoire. C’est une vie passée au service de l’homme, cordages sur un bateau, objets ménagers utiles jusqu’à s’éroder, se casser, et couler. Ils ont traversé l’océan, ont vécu le cycle des vagues, le cycle du temps, ont rencontré les animaux marins, les algues, les rochers, les épaves au fond des mers.
Créés par l’homme, appréciés des hommes, pour un temps, ils sont maintenant rejetés par eux, ils ont au ban de la société, des parias, la marque honteuse engravée sur la plage. Je vois leur condition comme une injustice, et ai envie de leur donner une seconde chance, de montrer qu’ils peuvent procurer de l’émotion, que le temps qui a passé, qui les a usés, les a rendus beaux.
Ce travail est présenté à l’automne 2016 lors de l’exposition « Par tous les temps« au centre culturel La Passerelle de La Gacilly (56).
Butterflies
A la poursuite des papillons, jusqu’à devenir l’un d’entre eux.
De la larve jusqu’au papillon, la transformation. J’ai voulu l’exprimer par un effet dramatique.
Pour que la transformation soit totale, il faut mourir, abandonner sa forme ou son esprit originels.
La corde est une frontière, la limite de l’entre-deux.
Tout se passe sur la chaise, elle demande un effort pour monter dessus, se décider, avoir envie de se transformer.
Les chaussures sont laissées derrière, uniques traces du passé.
Installation de matériaux recyclés (chaise, baskets, corde, papier).
Butterflies fut présentée lors de l’exposition « Spring Show » du collectif Area 10 à Eagle Warf, Peckam Square, Londres en 2005.
Why. Here? Now?
Pourquoi suis-je ici ? Comment suis-je venu ?
Ma quête incessante. Comme un bébé dans l’univers, dans le ventre de l’univers, dans cette petite pièce.
D’où vient le cordon ombilical, qui symbolise une certaine raison, le karma, et d’où vient le bébé, racine de l’homme ?
Est-ce seulement le résultat d’une coïncidence ? Ou…
Quelle est la longueur de mon cordon ombilical avec l’univers ? Après ma mort, est-ce la fin de tout ce qui existe ?
Installation de matériaux recyclés (poupée, bandages coton, fils de fer)
Why. Here? Now? fut présentée lors de l’exposition « Øctobå » du collectif Area 10, Eagle Warf, Peckam Square, Londres, ainsi que l’exposition « Echo Space » à l’église Saint-Silas, Kentish Town, Londres en 2004.
Dialogue
Dialogue interne / externe.
Le rôle du dialogue ; le pouvoir et la communication.
S’il est connecté par la différence du mode d’expression, le dialogue est découvert et développé pour communiquer des messages comme les langages de l’artiste, ces talents.
Combien de fois suis-je émerveillée par la beauté de la nature ? Je me demande comment je fais partie de cette merveille…
Installation de matériaux recyclés (polystyrène sculpté, bandages coton, bougie, table et chaises)
Dialogue fut présentée lors de l’exposition « EquinOx » du collectif Area 10, Eagle Warf, Peckam Square, Londres en 2004.
Earthcare
J’ai réalisé cette chambre médicale pour commémorer le 11 septembre, et pour la terre blessée.
Une planète bandée… Quand le traitement sera-t-il terminé ?
Installation de matériaux recyclés (ballon, bandages coton, bougies, ciseaux, fil de pêche, farine, table et chaises).
Earthcare fut présentée lors de l’exposition « Shundahai » du collectif Area 10, Eagle Warf, Peckam Square, Londres en 2004.
Altar
Il y a un parfum, une sensation particulière quand je marche dans un cimetière.
Il y a une foule de corbeaux, d’écureuils. C’est un bel endroit pour penser. Et penser…
Le cimetière de Brompton est charmant. J’ai emprunté une petite niche pour installer ma commémoration aux animaux. L’âme des animaux sacrifiés deviennent des fleurs, comme des étoiles.
Installation de matériaux recyclés (bois, bandages coton, figurine de vache, chrysanthèmes).
Altar fut présentée lors de l’exposition du collectif London Biennale au Cimetière de Brompton, Londres en 2004.
Heyman
Les tuyaux au plafond de cet ancien entrepôt m’ont donné l’idée de cette installation. Ils sont des tunnels vers le corps et l’âme.
Les fils de fer qui émergent de ces tunnels sont comme la foudre.
Comment fonctionne mon corps ?
Un corps comme celui de la créature du docteur Frankenstein s’anime et s’avance vers moi.
La paille évoque la matière organique, éphémère, la lumière, l’utilité… Les clous sont en contact avec l’extérieur, des influences ou des attaques…
Installation de matériaux recyclés (paille, fils de fer, clous, œuf, bois).
Heyman fut présentée lors de l’exposition « Workshop » du collectif Area 10, Eagle Warf, Peckam Square, Londres en 2004.
Maithuna
L’unification des principes masculin (voie) et féminin (sagesse), technique tantrique permettant d’identifier l’univers à l’individu, et l’individu à l’univers. Une sorte de yoga en un sens.
Peintures sur soie.
Maithuna fut présentée lors de l’exposition « E=mc² » du collectif London Biennale, Institute of Physics, ainsi qu’à l’exposition collective « Inside Out », Studio 28, Tottenham, Londres en 2004.
Stairway to heaven
Rejoindre le paradis, marche après marche, par l’échelle vue à travers la fenêtre, par celui qui regarde et celui qui monte.
Les visages blancs sont comme je suis.
Le mandala est un symbole, il indique le chemin à suivre vers le paradis. Dans le bouddhisme, si vous posez vos yeux sur le mandala, vous serez purifié et aurez la possibilité d’atteindre l’éveil.
Installations de matériaux recyclés (jante, portail, moules en plâtre, etc.).
Stairway to heaven fut présentée lors de l’exposition « Prologue » du collectif London Biennale au Camberwell Old Taxi Garage, Londres en 2004.